Joséphine Cornec dite Josette, née MAZÉ (Texte en français)

Joséphine Mazée est née le 27 décembre 1886 à Saint-Ségal, dans le Finistère dans une famille de fermiers bretons. Elle poursuit sa scolarité et obtient son Brevet élémentaire à l’école de laiterie de Kerliver, où elle est fromagère pendant deux années. Elle est institutrice suppléante dans différents hameaux de Bretagne occidentalede 1904 à 1908, année de sa titularisation à Quimerch. À vingt ans, elle devient une militante syndicale et féministe active en adhérant à L’Émancipatrice, l’Amicale syndicaliste du Finistère. En 1909, elle en devient la secrétaire, s’abonne à la revue Vie Ouvrière, rencontre Jean Cornec (un normalien de l’école normale de Quimper de deux ans son cadet) et lui fait découvrir le syndicalisme. Elle l’épousera à Niort le 3 août 1917 et ils auront deux enfants, Jean et Claudie.En 1910, elle adhère à la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs (F.N.S.I.), collabore à l’ÉcoleÉmancipée (où elle rédige des articles pédagogiques et féministes)et parle en classe avec ses élèves du droit de vote des femmes.

Au cours de la décennie 1910, son action syndicaliste, féministe et politique s’intensifie. Joséphine est élue conseillère départementalesur un programme syndicaliste en 1911 ;elle est réélue en 1914 etadhère à la S.F.I.O. en 1915. Elle participe également au congrès féministe de Bordeaux en 1913,à ceux des Amicales et de la F.N.S.I. en 1916, 1917, 1918. Cette année-là, Josette Cornec devient la première secrétaire du syndicat C.G.T. de l’enseignement du Finistère et fait l’objet de réprimandes de la part de sa hiérarchieen raison de ses actions en faveur de la paix.Josette et son mari font en effet l’objet d’une surveillance de la part des autorités du Finistère. En 1923, le Commissariat spécial de Brest fait un rapport au Ministère de l’Intérieur évoquant les idées radicales défendues par la jeune femme lors d’une réunion de la Fédération de l’enseignement laïque, notamment sa critique del’organisation duale de l’enseignement français, qu’elle considèrecomme caractéristique d’une école de classe tout entière conçue pour servir les intérêts de la bourgeoisie. Très tôt partisane de l’école unique, Josette Cornec défend l’idée d’un concours pour le passage de l’école primaire à l’école secondaire. Elle réclame également du gouvernement qu’il investisse dans un matériel approprié pour les classes surchargées du primaire (des lavabos, des bains douches et des maîtres spéciaux pour le travail manuel), qu’il instaure l’égalité effective des traitements pour les institutrices ainsi que des congés de quatre à six mois pour couches et allaitement[1].

En matière pédagogique, les idées et les pratiques de la jeune femme sont tout aussinovatrices pour l’époque. En charge de classes (niveau C.E.1, C.E.2) à Daoulas dès 1919, elle promeut une pédagogie active et une conception collaborative de l’apprentissageens’efforçant d’adapter le plus possible son enseignement à ses élèves, qu’elle appelle « ses petits ». Pour les aider à se faire une idée de la géographie des Alpes, elle leur propose, par exemple, d’escalader les bancs, les tables et même son bureau[2].À partir de 1920, Josette et Jean (également instituteur à Daoulas) emmènent une fois par anleurs élèves respectifs en promenade scolaire dans différents endroits de Bretagne occidentale (Penmarch, Concarneau, la Pointe du Raz, Brest, etc.) afin de leur faire découvrir l’histoire et la géographie de leur région. Josette et Jean innoventégalement en introduisant dans leurs classes la presse à bras (dont ils se servaient pour diffuser des tracts syndicaux)et enfaisant rédiger à leurs élèves de courts textesqu’ils imprimaient ensuite.Persuadés de l’utilité d’une telle pratiquepour susciter l’intérêt des enfants, le couple la systématiseà la même époque que Célestin Freinet. Ils entretiennent d’ailleurs des échanges réguliers avec ce dernier, qu’ils rencontrent chaque année à l’occasion de congrès syndicaux[3].

Au cours des décennies suivantes, Josette Cornec participe à plusieurs congrès syndicaux et féministes, s’oppose à l’entrée de la France dans la Seconde Guerre mondiale et publie des articles dans différents journaux comme l’École émancipée, la Vie ouvrière, la Révolution prolétarienne ou l’École libératrice.Dans ses écrits, elle promeut la cause du peuple et des femmes, dans l’enseignement comme au dehors. Elle se bat pour l’égalité de traitements des institutrices ;l’éducation sexuelle ;la liberté pour les jeunes filles de pouvoir satisfaire leurs penchantsamoureuxet sexuels, y compris en dehors du mariage ;la coéducation des sexes ; et l’école unique et laïque.Elle décède le 25 juin 1972 à Daoulas, dans le Finistère.

Dans l’historiographie, Josette Cornec est considérée comme une militante syndicaliste et féministe qui « personnifie la lutte laïque et socialiste en terre cléricale » (Thierry Flammant). Elle est égalementvue comme une promotrice de l’éducation sexuelle des jeunes filles et de leur droit à disposer de leur corps et à avoir une sexualité au même titre que les jeunes hommes. Si, dans le champ pédagogique, Josette Ueberschlag évoqueles liens qui existent entre Josette Cornec et le mouvement Freinet, l’œuvre de cette militante pionnière n’a néanmoins pas encore fait l’objet d’une étude approfondie.

Bibliographie :

1. Sources archivistiques :

AN F7/13746 et F7/13749.

2. Sources publiées :

L’École émancipée, depuis octobre 1910 jusqu’en 1972 ; L’Ouvrière, n° 57, 11 août 1923 ; La Révolution Prolétarienne ;Bulletin des groupes féministes de l’enseignement laïque.

3. Bibliographie :

Thierry Flammant, L’École Émancipée. Une contre-culture de la Belle époque, Treignac, Les Monédières, 1982 ; Anne-Marie Sohn, « Féminisme et syndicalisme : les institutrices de la Fédération unitaire de l’enseignement de 1919 à 1935 », Thèse de doctorat en histoire, Université Paris X, 1975 ; Jean Cornec, Josette et Jean Cornec, instituteurs : de la hutte à la lutte 1886-1980, Paris, Éd. Clancier-Guénaud, 1981 ; Claudie et Jean Cornec, Joséphine Phine Fine… La vie passionnée de Josette Cornec (1886-1972), Treignac, Les Monédières, 2002 ; Loïc Le Bars, La Fédération unitaire de l’enseignement, 1919-1935. Aux origines du syndicalisme enseignant, Syllepse, 2005 ; Josette Ueberschlag, Le groupe d’Éducation nouvelle d’Eure-et-Loir et l’essor du mouvement Freinet, Caen, Presses universitaires de Caen, 2015

[1] AN F/7/13746, Rapport du Commissariat spécial de Brest au Ministère de l’Intérieur, 17 février 1923.

[2] Jean Cornec, Josette et Jean Cornec,op. cit., p. 26.

[3]Ibid., p. 28-35.