Mathilde Salomon (Texte en français)

(1837 à Phalsbourg- 1909 à Paris)

Née dans une famille juive de l’Est de la France, Mathilde Salomon est restée célibataire toute sa vie. Elle a connu une notoriété en France par son action comme directrice de l’établissement privé, le Collège Sévigné, fondé en 1880 à Paris et toujours en activité aujourd’hui.

1. Trajectoire enseignante

Mathilde Salomon s’intéresse dès son jeune âge à l’enseignement et obtient à dix-huit ans brevet de capacité de second ordre qui lui ouvre les portes de l’enseignement primaire.Ellearrive à Paris en 1853 et doit se contenter, selon sa biographe et ancienne élève Marthe Lévêque, de leçons mal payées, et finalement d’un travail dans le commerce. Elle obtient le brevet de premier ordre le 22 avril 1861, l’année même où Julie-Victoire Daubié devient la première bachelière de France.En septembre 1865, la jeune femme s’associe à une autre femme pour enseigner dans un pensionnat 94 boulevard de Neuilly, institution dont elle devient directrice relativement rapidement. Elle reste dans cet établissement du xviie arrondissement pendant neuf années, jusqu’en octobre 1874. Après cette première expérience de directrice, elle reprend un cours pour jeunes filles, 3 rue Bleu dans le ixe arrondissement. Sans internat, cet établissement rencontre du succès, puisque emmène avec elle ses élèves en janvier 1879 lorsqu’elle prend la direction d’un pensionnat situé à proximité, 83 rue d’Amsterdam dans le xviiie arrondissement. Elle y accueille dix-neuf pensionnaires, surtout de confession juive ainsi des filles de familles anglaises et allemandes.  Sensible aux nouvelles pédagogiques, elle adopte la méthode Frœbel  pourles filles de six à huit ans dans son institution, et les filles les plus âgées préparent les examens d’enseignement de l’Hôtel de ville et peuvent assister à des cours spéciaux de littérature, d’histoire, d’anglais et d’allemand.Le personnel comprend, trois sous-maîtresses, trois enseignantes pour la musique, le dessin et l’italien et deux hommes qui assurent  des cours de sciences naturelles et physiques et des cours de gymnastique.En janvier 1880, M. Salomon emmène de nouveau sa clientèle de la rue d’Amsterdam à l’externat de la rue de Trévise où elle reste jusqu’en septembre 1883. En 1883, elle prend la responsabilité du collège Sévigné où elle reste jusqu’à sa mort, y attirant des enseignants hommes de grande renommée à l’époque (Albert Thomas, Victor Delbos, Alain Chartier).

Deux aspects marquent l’orientation du collège ; d’une part, le caractère très libéral de ses conceptions pédagogiques ou se devine l’empreinte d’un féminisme modéré et d’autre part son intérêt et son investissement dans l’innovation pédagogique, par l’étude des langues et son ouverture à la question de la coéducation. Dans l’organisation des cours au sein de son établissement, elle se montre attentive aux pédagogies nouvelles qui respectent l’individualité et le bien-être physique des élèves. Les cours sont regroupés le matin pour donner plus de temps libre l’après-midi. Celui-ci est consacré au travail personnel, aux cours accessoires, aux promenades, et aux exercices physiques. Dans ce même esprit libéral, elle critique l’importance des récompenses et des punitions au sein du système scolaire français.

2. Faits marquants

C’est dans le domaine des langues vivantes et anciennes que MathildeSalomon innove le plus au collège Sévigné. Elle préconise l’acquisition de langues étrangères pour des raisons moins pratiques ou utilitaires que pédagogiques ; l’apprentissage des langues apporte, selon elle, un assouplissement et un enrichissement intellectuels et permet de mieux connaître sa langue maternelle. En 1908, elle décrit sa méthode: il faut commencer l’étude de l’allemand à sept ou huit ans, par des cours quotidiens, car à cet âge l’enfant peut développer des capacités pour cette langue qui est « plus éloigné de nous et demandant plus d’efforts que l’anglais ». Vers douze ans peut commencer  l’étude de l’anglais qui paraît alors facile « par la quantité de mots allemands et français qu’elle renferme ». Découle de son intérêt pour les langues étrangères, sa conviction que le latin est également à la portée des femmes.Alors que l’apprentissage du latinest absent dansles établissements publiques féminins, elle met en place des cours de latin  et, en 1905, une préparation au baccalauréat latin-langues créée après la réforme du baccalauréat de 1902. Alors que les garçons commencent l’étude du latin dès la classe de sixième (et parfois avant), elle préconise un enseignement pendant seulement deux années, à partir de quatorze ans. Malgré ce temps court d’apprentissage, les jeunes filles réussissent aussi bien que les garçons aux épreuves. Selon elle, l’enseignement masculin devrait profiter de son expérience afin d’éviter la fatigue et le dégoût si courant chez les garçons obligés trop jeunes à faire du latin.

L’influence d’un féminisme modéré chez Mathilde Salomon se retrouve également dans sa prise de position par rapport à la coéducation, mesure qui génère débats au début du xxe siècle sous l’influence des pratiques scolaires américaines. En 1908, suite à sa demande, le conseil départemental de l’enseignement primaire de la Seine l’autorise à recevoir dans son école de jeunes garçons jusqu’à neuf ans. Elle justifie cette démarche en expliquant qu’un groupe de mères de famille demande l’inscription d’enfants des deux sexes entre huit et douze ans : « Elles sont persuadées, comme moi, que l’éducation en commun dans ces limites offrent de précieux avantages, sans aucun inconvénient ; il convient je le pense que l’expérience en soit tentée dans une école de jeunes filles avec une directrice.

Mathilde Salmon innove aussi dans sa volonté de promouvoir la formation professionnelle des enseignantes.Dès 1885 l’établissement ouvre des cours du soir qui préparent les candidates au certificat d’aptitude et à l’agrégation de l’enseignement secondaire des filles. Fidèle à son intérêt pour les langues, Mathilde Salmon propose aussi la préparation aux agrégations d’anglais et d’allemand, qui sont les premières agrégations mixtes. Les jeunes femmes viennent nombreuses à ces formations qui représentent un total d’environ huit heures par semaine. De cette manière, Sévigné forme de nombreuses professeures de l’enseignement secondaire féminin, y compris dans le secteur privé, puisque la fondatrice de l’Ecole normale libre, Madeleine Daniélou, a également suivi cette formation.

En 1892 elle devient la première femme a siégé au Conseil Supérieur de l’Instruction Publique et en 1906 Mathilde Salomon est nommée chevalier de la Légion d’honneur.

3. Historiographie

Si le travail pionnier de Françoise Mayeur en 1978 sur l’enseignement secondaire des jeunes filles a révélé l’importance de Mathilde Salomon comme directrice du Collège Sévigné, il a fallu attendre le XXIe siècle pour que d’autres recherche dans le domaine de l’histoire juive et de l’histoire de l’éducation se penchent de plus près sur ses qualités de pédagogue. Le centenaire de son décès a été l’occasion d’un colloque en son honneur, publié en 2017.

4. Bibliographie

Publications de Mathilde Salomon

–A nos jeunes filles. Lecture et leçons familières de Morale. 1re année, d’après le programme des Ecoles primaires supérieures de jeunes filles (1893), Paris, Léopold Cerf, 1893, 148 p.

–Premières leçons d’histoire de France, Paris, Cerf, 1884

– « Compléments pratiques de l’éducation des jeunes filles par les patronages d’enfants », Annexe B., p. 116, dans Le congrès international de l’enseignement secondaire à l’exposition universelle, Procès verbaux et comptes rendus officiels, Paris, Armand Colin, 1901.

– « Baccalauréat et jeunes filles », Revue de Paris, 1 juillet 1908, 179-86

Publications la concernant

Lévêque, Mathilde. Mathilde Salomon. Directrice du Collège Sévigné. Membre du Conseil Supérieur de l’Instruction Publique. Chevalier de la Légion d’honneur, 1837-1909. St Germain lès Corbeil, Imp. Leroy, s.d. 1909.

Mayeur, Françoise.L’enseignement secondaire des jeunes filles sous la Troisième République. Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977.

Nicault,Catherine. « Mathilde Salomon, pédagogue et pionnière de l’éducation féminine (Phalsbourg, 14 décembre 1837 – Paris, 15 septembre 1909). » Archives juives (Paris), n° 37/1, 2004,  p. 129-134.

Rogers, Rebecca. « Mathilde Salomon, pédagogue et directrice Collège Sévigné ».  In L’école des jeunes filles, Mathilde Salomon, dir., Jean-Pierre de Giorgio, textes réunis par Jacques Prévotat et Jean-Pierre de Giorgio, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p.73-86.

Auteure: Rebecca Rogers